Les Cloches de nos églises [1]

 

La petite cloche de l’église de Mialet

 

 En 2011, les feux de l’actualité placèrent les cloches de l’église Notre-Dame-du-Mont-Carmel  de Mialet au devant de la scène : brutalement silencieuses, elles ont pu se faire entendre à nouveau grâce à un réel élan de générosité des habitants et des sympathisants. L’événement fut tel qu’il  fut solennisé par la venue de Mgr. Michel Mouïse, évêque de Périgueux et Sarlat le 18 décembre de cette année là, fidèle en cela à la tradition chrétienne du baptême des cloches.

L’association des Amis de l’Église de Mialet a provoqué ce réveil en lançant une souscription dont le produit s’est ajouté à celui de la Fondation du Patrimoine pour couvrir un besoin financier non négligeable. Cette réponse peut être comprise comme une manifestation oh ! combien positive de l’esprit de clocher.

Mais, quel sens donnons nous à la sonnerie des cloches à l’ère d’internet, de Facebook et de Twitter ? Quel a été et quel est aujourd’hui le rôle des cloches dans la communication religieuse ? C’est ce thème que nous proposons aujourd’hui au lecteur.

La restauration des cloches de Miallet appelle une première remarque. Il n’est pas habituel en effet que des cloches se taisent, du moins pour une longue période. Sauf accident, leur silence complet n’est ordonné par la règle que pendant les trois derniers jours précédant la fin de la semaine sainte, exception faite de la sonnerie anniversaire de la mort du Sauveur, le Vendredi-Saint à 15 heures. Ce silence est fait en honneur de la sépulture du Christ et commémore le silence du tombeau, dans l’attente de sa glorieuse résurrection.

Selon la tradition, on enseigne encore aux enfants qu’elles profitent de ce laps de temps pour faire le voyage jusqu’à Rome auprès du pape et en rapportent les fameux œufs de Pâque, signes du merveilleux. Puis elles sonnent à nouveau, annonçant la Résurrection, au « Gloria » de la messe de la Vigile pascale (veille de Pâques).

Hormis ces cas d’exception, de courte durée ou accidentels, les cloches de nos villages sont depuis des temps immémoriaux un outil de communication et de fédération des habitants essentiel à la vie, tout d’abord au service du prêtre desservant dont elles sont le porte-voix, mais aussi de la communauté religieuse, voire civile pou des événements majeurs.

 

Souvent, dans un clocher il y a trois cloches :

– La petite appelait au catéchisme et au récit de l’Angélus ;

– la moyenne sonnait trois coups ou plus pour annoncer les offices ou accompagner l’offertoire.

– La grosse sonnait la grande volée, le glas ou le tocsin ; elle sonne aussi les heures, lorsqu’on en décide.

 

Rituellement, la sonnerie de l’Angélus marque les étapes de la journée. Répétée trois fois par jour, matin, midi et soir, c’est un appel à la prière. Pour encourager les fidèles à honorer la Vierge Marie, le Pape Benoît XIII a accordé en 1724 une indulgence de 100 jours pour chaque récitation et une indulgence plénière une fois le mois pour ceux qui seraient exacts dans cette pratique. Par la suite il fut admis que le texte  pourra être remplacé, si l’on ne connaît pas les paroles, par le « Je vous salue Marie »…

Répétitive aussi est la sonnerie d’invitation des fidèles à participer à  la messe du dimanche où à s’associer par la pensée à cette célébration lorsque nous sommes malades ou dans l’incapacité de nous déplacer.

 

Occasionnelle, la sonnerie des cloches revêt un caractère joyeux, avec l’annonce de la célébration d’un baptême ou celle d’un mariage ; elles sonnent à la volée. Elles résonneront encore ainsi pour l’arrivée d’un nouveau curé où pour la visite de Mgr l’évêque.

A l’opposée elles diffusent un sentiment de tristesse, lorsque sonne le glas pour l’annonce d’un deuil ou de la cérémonie d’inhumation du défunt ; il s’agit alors d’une sonnerie en tintement. Par cette sonnerie, nous sommes invités à prier pour le défunt et à nous souvenir que nous sommes mortels et que nous devons nous préparer au passage obligé. On sonne les cloches le jour du décès, des funérailles et de l’anniversaire du décès.

Dans ce cadre, il paraît intéressant de signaler l’usage institué par le conseil de fabrique de Saint-Pierre-de-Frugie : vers 1900, il décida que pour tout enterrement, il sera sonné une demi-heure et pas davantage. Pour une sonnerie prolongée sera perçue la somme supplémentaire de 2 francs…

 

Dépassant leur fonction religieuses, les cloches peuvent marquer certains événements importants ou exceptionnels de la vie civile. Dans le passé, elles pouvaient alerter d’un danger, tel l’incendie. En août 1914, on sonna le tocsin pour appeler les hommes à la mobilisation. Quatre ans plus tard, elles sonnèrent à toute volée pour annoncer la signature de l’armistice. A la fin de la dernière guerre, la libération des villes furent signalées de la même façon.

Parfois même il leur est demandé de rythmer le temps qui s’écoule, sonnant les heures, voire les demi-heures.

Le progrès technique est venu au secours de cette diversification : à la fin des années 50, l’électrification a pris le relais des sonneurs, qui se faisaient de plus en plus rares.

Par ces différents exemples, on comprend que les cloches soient considérées comme un meuble religieux destiné à faciliter la communication du pasteur avec ses fidèles, à les rassembler et à les faire vibrer à l’unisson des mêmes sentiments.

Aussi, leur entrée en service est précédée d’une cérémonie de bénédiction présidée par l’évêque ou par un prêtre commis par lui, appelée « baptême » dans le langage courant, car elle emprunte certains des signes et symboles de ce dernier, dont la nomination de parrains et marraines, le fait de leur donner le nom d’un saint (Anne, Immaculée Conception…). Ces événements faisaient l’objet d’une inscription sur la cloche elle-même. Il est alors particulièrement émouvant de redécouvrir ces mentions 100 où 150 ans après l’installation des dites cloches.

Cette cérémonie avait aussi pour but de les délivrer du Malin et de les purifier car des mains parfois impures peuvent les avoir fabriquées, or ces objets campanaire seront au service de Dieu.

Le clocher, symbole de l’Église, résume la communauté des croyants et les cloches relaient les trompettes pour rassembler les hommes et les faire vibrer à l’unisson des mêmes sentiments.

 

Cloche de La Coquille, intérieur et mécanisme

 

De nombreux accidents émaillent la vie des cloches. Fragiles aux chocs violents, il était courant qu’elles  se fêlent et soient l’objet d’une ou plusieurs refontes. La plainte d’une cloche fêlée est difficile à entendre et pourtant dans notre contrée certaines attendirent  vingt ans avant de retrouver un son harmonieux.

D’autres blessures peuvent survenir : arrachement ou rupture de la bélière, fêlure de la robe, cassure d’une partie de la cloche. Sonnées longtemps, il pouvait arriver qu’elles se fendent ; la fête de l’Armistice est responsable de nombre de ces dégâts.

De façon plus générale les incendies, les orages et la foudre sont les trois ennemis jurés de nos cloches. Par le passé on faisait alors appel le plus souvent à des fondeurs ambulants, appelés aussi « maitres saintiers »pour les édifices religieux. Ce furent Antonin  et Jean-Baptiste Vauthier père et fils à Saint-Émilion pour La Coquille et Saint-Jory-de-Chalais, ou Jean-Baptiste Paintendre (1793-1865) et son fils Émile à Turenne, en la Corrèze voisine, pour celles de Firbeix…

Rappelons enfin des événements plus radicaux tels ceux survenus pendant la période révolutionnaire et sous le Premier Empire qui amenèrent à livrer les cloches pour la fonte de monnaie ou la fabrique d’armements (canons). Un décret du 23 juillet 1793 permit que chaque commune ait la faculté de conserver une cloche qui serve de timbre à son horloge. Firbeix dut conduire sa cloche à Limoges, elle fit partie des 100000 qui disparurent de nos clochers. Plus récemment encore, sous l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale, de nombreuses cloches furent enlevées des clochers pour approvisionner leur industrie de l’armement.

Si les cloches sont fabriquées par la main de l’homme, elles appartiennent à Dieu et à personne d’autre… Gageons que leur histoire saura se poursuivre au service de Dieu et de la propagation de la foi.

 

Sources principales :

  • Portail internet de la liturgie catholique, article rédigé par la Société Française de Campanologie.
  • Rama (Jean-Pierre), Cloches de France et d’ailleurs, Sevrey, 1993.

 

[1]           Reprise de l’article paru dans Feu Nouveau en octobre 2011 après actualisation