Les laïcs

 

Des laïcs remarquables

 

Victor Gay, Céline Magne-Rouchaud et leur fille

Deux frères, Pierre et Antoine GAY quittèrent Excideuil, leur lieu de naissance, pour créer à Paris en 1806, une maison de commerce de soieries et étoffes qui fut fort prospère.

Pierre épousa en l’église Notre-Dame de Versailles le 28 décembre 1812 Constance Clausse, dont le père, Charles Louis, fut maire de Versailles en 1830, et acquit en cette ville le domaine bien connu de Madame Élisabeth.

Dont quatre enfants : Léon, Charles Louis, Céline, qui épousa Pierre Paul Pouquet[1], et Victor. Suivons particulièrement Charles Louis et Victor.

 

 Mgr Charles Gay

Né à Paris (2e), le 1er octobre 1815, décédé à Paris le 19 janvier 1892, Charles Louis fut ordonné prêtre le 17 mai 1845. Il fut secrétaire de Pie X, évêque auxiliaire de Poitiers (octobre 1877-1880), puis évêque in partibus d’Anthédon.

Fondateur du Carmel du Dorat avec Mère Thérèse Madeleine, prieure du Carmel de Limoges (10 juillet 1856).

Aussi architecte, il dressa les plans du couvent de Sainte-Marie-de-Frugie et fit de nombreux séjours chez son frère Victor et chez sa sœur, Céline, à Trasforêt, près d’Ambazac (Haute-Vienne).

Sa biographie par Dom Bernard du BOISROUVRAY a été publiée en 1929 chez MAME.

Comme d’usage, il choisit ses armes et sa devise :

– son blason : D’azur à la croix d’or, cantonnée aux 1 et 4 d’une rose au naturel feuillée et tigée de sinople, et aux 2 et 3 d’un lys d’argent tigé et feuillé de sinople.

 – sa devise : Deus omnia et in omnibus Christus.

 

  Victor Gay 

               

Né à Paris (5e) le 4 janvier 1820, décédé à La Barde, commune de La Coquille, le 12 décembre 1887. Épouse à La Coquille le 25 septembre 1849 Catherine Françoise Marie Céline Magne-Rouchaud, née à Firbeix (Dordogne) le 6 novembre 1831, décédée à  La Barde le 15 janvier 1909, fille d’Élie et de Marie Barbe Duverger.  Élie, maître de forge de La Barde, avait été, à la suite de Jean, son père, fondé de pouvoir de Pierre et Louis Chapt de Rastignac pour l’exploitation des terres et de la forge de Firbeix.

 Peu après leur mariage, en 1850, Victor acheta les propriétés de La Barde et de Sainte-Marie.

Dont deux filles, Marie Catherine Anne Thérèse et Joséphine Anne, décédée à l’âge de 12 ans des suites d’un accident de cheval le 11 juin 1869. Marie, l’aînée, est née à La Barde le 15 septembre 1853 ; elle est décédée à La Barde le 6 septembre 1908, à l’âge de 55 ans.

Victor Gay par Alexandre Laemlin    

 

Après ses études, Victor fut nommé en 1848 architecte diocésain à Bourges et remplit ces fonctions durant trois ans, avant de démissionner pour raison de santé.

Retiré à La Barde, il mit fin à l’exploitation de la forge, devenue obsolète en raison de la concurrence, et créa une filature vers 1866. Malgré l’apport de la force motrice issue de l’étang créé sur la Valouze, l’entreprise ne dura que quelques années.

Il fut surtout un grand érudit. Passionné d’archéologie, il passa aussi les trois années suivantes à étudier les arts du métal, de la ciselure à la préparation des émaux. Il constitua une collection fort riche (plombs historiés, ivoires, émaux…) qui sera acquise par le Musée du Louvre auprès de sa veuve en 1908. Il consacra aussi son temps aux dessins de monuments du Moyen âge, ayant eu très tôt l’idée de ce glossaire qui allait occuper grandement sa vie. Une première partie de cet ouvrage remarquable parut en 1882 sous le titre Glossaire archéologique du Moyen âge et de la Renaissance.

Il voulut travailler jusqu’à la fin et, quand il ne put plus tenir la plume, il dicta à sa fille ses dernières pages. La seconde partie put paraître après sa mort.

Il travailla notamment avec son voisin, Louis Bourderie (1852-1901), qui avait acquis le château d’Oche, sur la commune voisine de Saint-Priest-les-Fougères[2].

On rappellera son rôle éminent dans la restauration  de la châsse de l’église d’Ambazac.

Dissimulée dans une écurie pendant la période révolutionnaire, elle avait beaucoup souffert. Un ferblantier ambulant en offrit 4,50 francs au curé de l’époque ; lequel refusa, en voulant 5. En 1832, la fabrique voulait la vendre, le curé et les paroissiens s’y opposèrent. Un peu plus tard, le musée de Cluny et un antiquaire virent leurs offres déclinées, face à la ferme détermination de Mgr Tournefort, évêque de Limoges. Victor Gay ayant vu cette châsse dans les années 1860, obtint de la faire transporter à Paris pour restauration. La châsse devint célèbre nationalement ; elle fit l’objet d’un classement qui la mit définitivement à l’abri des convoitises, le 20 juin 1891.

 

 Église d’Ambazac, la chasse de Saint-Étienne-de-Muray (circa 1180), provient du trésor de l’abbaye de Grandmont. Faisait partie d’un ensemble de six et est la seule à avoir échappé aux destructions révolutionnaires.

Enfin, il apporta son soutien indéfectible à l’œuvre de son épouse et de leur fille Marie.

Céline et Marie Gay

Concomitamment avec l’érection de La Coquille en chef-lieu de commune à la place de Sainte-Marie-de-Frugie (1856), la décision d’élever en son sein une nouvelle église signifiait à brève échéance la disparition de l’autre. L’affaire fut définitivement réglée avec la déconstruction de l’église de Sainte-Marie en 1905, en dépit du combat d’arrière-garde que mena la famille Gay.

En 1850, le ménage avait acquit une propriété au cœur du hameau de Sainte-Marie-de-Frugie.  À la suite de cette acquisition, il y avait créé un pensionnat pour jeunes filles et un ouvroir. L’ouvroir était un local ou les jeunes pouvaient venir s’initier aux travaux d’ouvrage et de couture. Pour animer leurs œuvres, ils firent appel aux religieuses du Sauveur. Mais l’ensemble appelait une consolidation, ce qui fut fait quelques années plus tard.

En 1892 furent lancés le chantier d’un couvent et celui d’une chapelle destinée aux exercices spirituels ainsi qu’à abriter la sépulture des fondateurs. Les plans furent dressés par Mgr Charles GAY et exécutés sous le contrôle d’Alexandre Antoine Lambert, inspecteur des édifices diocésains de Périgueux. La première pierre fut posée le 21 juin 1893.

Les religieuses qui, à leurs débuts, étaient logées dans le village, purent s’installer dans leurs nouveaux locaux en 1894. Elles poursuivirent leur œuvre jusqu’en 1902, chassées par la séparation[3]. Madame Gay et sa fille purent continuer avec des aides étrangères.

Comme le révéla à sa mère le Père Pupey-Girard, père spirituel de sa fille,  au lendemain du décès de Marie (6 septembre 1908), cette dernière faisait partie depuis de longues années de la Société des Filles du Cœur de Marie. Il témoigna aussi que son désir était que cette œuvre assure la continuation de ce qu’elles avaient entrepris, sa mère et elle.

Cimetière d’Excideuil, chapelle funéraire où reposent Antoine GAY et ses neveux, Victor GAY, son épouse et leur fille Marie.

C’est ainsi qu’elle proposa à ces religieuses de reprendre Sainte-Marie et de créer des activités spirituelles à La Barde. Anne de Tanquerel des Planches (1856-1944) accepta pour la maison et le domaine du Couvent et conseilla  à Madame Gay de rechercher une autre communauté qui forme le pendant de Sainte-Marie, mais pour les hommes laïques et pour les prêtres de la région. Deux mois après la mort de sa fille, elle prit les dispositions testamentaires qui convenaient et s’éteint peu après, le 13 janvier 1909.

Elle fut inhumée dans le caveau de la chapelle Sainte-Marie ; quelques temps après, son mari, ses deux filles et sa mère y furent transportés. Mais, ce lieu de repos ne fut qu’intermittent : en préalable à la vente de Sainte-Marie, les restes mortels de cette famille furent transférés en 1973 au cimetière d’Excideuil, dans la crypte de la chapelle de leur oncle Antoine Gay.

Aux termes de son testament olographe en date du 30 novembre 1908, déposé au rang des minutes de Me André Dutertre, notaire à Paris, le 14 décembre 1909, son cousin germain Louis Magne-Rouchaud fut désigné comme légataire universel, à charge d’exécuter le legs suivants en faveur d’Anne de Tanquerel des Planches, à savoir : la maison, le local pour l’ouvroir et la ferme du  Couvent à Sainte-Marie ainsi que 350.000 francs, à charge de créer une maison de retraites pour les femmes.

L’œuvre de la famille Gay à Sainte-Marie se poursuivit jusqu’en 1977 ; à La Barde,  elle vit le jour en 1909, avec l’implantation des Jésuites.

[1]             La famille Pouquet est bien connue en Dordogne. Certains de ses représentants habitèrent le manoir d’Essendiéras, prés de Saint-Médard d’Excideuil. Cette ancienne demeure des Malet de La Jorie fut acquise comme bien national par Antoine Pouquet  (1757-1833), notaire à Excideuil, époux de Marguerite Gay.

                Très pieux, Céline et Pierre-Paul demeurèrent sans enfants ; ils créèrent de nombreuses œuvres de bienfaisance : une école et un hospice confié aux sœurs du Sauveur furent édifiés à leur initiative à Ambazac.

                C’est au château de Trasforêt que Charles Gounod aurait composé « Faust ». On sait que Céline était musicienne et que Gounod fut le condisciple au lycée Saint-Louis et l’ami de Mgr Gay et de son frère Victor. Gounod revêtit un temps l’habit ecclésiastique ; il quitta les Missions étrangères en 1848 et Saint-Sulpice deux ans plus tard, pour se consacrer à son œuvre musicale.

[2]             L. Bourderie (1852-1901), avocat non plaidant, érudit, il se spécialisa en art industriel ; il a notamment documenté bon nombre d’émaux peints ; son œuvre la plus remarquable fut Jean Limosin, émailleur (1888).

[3]          Loi de 1901 sur les associations, instaurant un régime d’exception pour les congrégations religieuses.

 

 Thérèse Augustine Faure, une thibérienne exemplaire

 Née à Thiviers le 5 février 1826, décédée le 9 février 1880, Thérèse Augustine était la fille de Jean Faure, notaire à Thiviers, et de Rose Rey.

Nourrie des écrits de Bossuet, de Fénelon ou d’Auguste Nicolas, elle entra chez les Chartreuses de Voiron ; mai, peu après elle dut abandonner cette voie en raison de sa santé fragile. Revenue en sa ville natale, elle prit en location une partie de l’ancienne maison paternelle qu’elle avait cédée pour en donner le montant aux pauvres.

Ses œuvres

Son premier souci fut de continuer l’œuvre de charité de Thiviers dont sa mère, disparue en 1871, fut l’organisatrice et le présidente, c’était l’œuvre des pauvres, comme le précise le P. Paulin. C’est ici qu’elle fit construire aux portes de Thiviers un pensionnat de demoiselles et un orphelinat sous la dénomination de maison ou couvent de Saint-Paul, reprenant ainsi le vocable de l’ancienne chapelle du lieu, détruite à l’occasion de l’érection de ces nouveaux bâtiments*. Elle en confia l’animation à la Congrégation des sœurs de Treignac.

Dans cette ville, au quotidien,  elle présida  le Congrégation des enfants de Marie et entretint les œuvres du Rosaire vivant, du Culte perpétuel des morts, du Tiers-ordre de saint François et de celui de saint Norbert.

Deux autres réalisations d’importance ont mobilisé son énergie : Pierrefiche et l’accueil des Prémontrés de Saint-Jean-de-Côle.

À Pierrefiche, hameau très isolé, elle contribua à la restauration d’une chapelle ruinée à la Révolution, qui permit d’attendre l’érection d’une nouvelle église. Elle fit aussi élever en ce lieu une école qu’elle confia aux religieuses de la maison Saint-Paul.

Enfin, elle avait une propriété au village de Boni, dans la commune de Saint-Jean-de-Côle, où elle détenait une maison de vacances. Elle avait toujours rêvé de la transformer en un monastère qui pourrait seconder le clergé diocésain. Le 6 janvier 1873, elle pris contact avec l’ordre des Prémontrès et quatre ans plus tard, une communauté fut installée par Mgr l’évêque. Le 27 mai 1877, il leur confia le service religieux de la paroisse de Saint-Jean-de-Côle. Conformément aux vœux de leur bienfaitrice, les religieux ont eu le temps d’agrandir et de transformer une chambre de la maison de Boni en chapelle et la dédièrent à Notre-Dame-de-la-Salette. Le P. Paulin, supérieur de la communauté, la bénit le 11 juillet 1879.

Ce fut la dernière œuvre  de Mlle Faure, on se souviendra qu’elle  fut bien éphémère en raison des obstacles juridiques qui vinrent contrarier le projet et mettre fin à leur implantation.

Pour finir on relira du registre d’état-civil de Thiviers, qui mentionne qu’elle est décédée « après avoir fait à divers un grand nombre de legs particuliers ». Ses obsèques furent célébrées en l’église de Thiviers le 11 février 1880.

Le Père Paulin écrivit à la fin de l’article  qu’il consacre à sa bienfaitrice dans son Histoire de Saint-Jean-de-Côle :  « Puisse l’admirable générosité de Mlle Faure, avoir de nombreux imitateurs ! Dans notre siècle d’égoïsme, l’amour du luxe et du bien-être personnel ne laissent que trop dans l’oubli les œuvres de Dieu !… »

 

Sources : RP Paulin, Histoire de Saint-Jean-de-Côle (en Périgord), Paris, 2014, réédition de l’ouvrage paru en 1881.

*Voir Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, tome XLVI, page 114.