Saint-Pierre-de-Frugie
l’église Saint-Pierre, Saint-Paul
L’église de Saint-Pierre-de-Frugie est placée sous le double vocable de Saint-Pierre et de Saint-Paul. De style roman, elle a été érigée au XIIe . Elle est à une seule nef voûtée avec abside pentagonale au chevet. Bien qu’elle ait été profondément remaniée à plusieurs périodes, il reste en une partie des temps les plus anciens, puisqu’elle est de fond roman.
À l’origine propriété de l’abbaye Saint-Sauveur de Charroux, elle dépendit de celle de Boschaud à partir de 1470, et ce jusqu’en 1747, date à laquelle les paroissiens réunis en assemblée s’affranchirent de cette tutelle.
Au XVIe siècle, elle fut largement empreinte de la marque des Arlot, devenus seigneurs de Frugie. Ils possédaient les honneurs de l’église : le droit de banc ainsi que celui de tombeau dans le chœur de l’église. Ils firent peindre leur litre, bande de couleur noire, qui se déroulait tout au long des murs, empreinte à intervalles de leurs armoiries et de celles des familles alliées. Une fraction de cette dernière a été conservée, elle est située au niveau de la croisée de droite dans le chœur.
Comme tous les ouvrages anciens, peu entretenue depuis la Révolution, elle appelait des réparations. En 1875, constat fut fait que le sanctuaire menaçait de s’écrouler ; la voûte était vermoulue, les murailles intérieures, dans un état de saleté repoussantes ; les fonds baptismaux peu décents ; les autels, délabrés ; les cloches fêlées, depuis 20 ans ; la sacristie, dépourvue des objets les plus nécessaires au culte. Ce n’est qu’en 1884 qu’on se résolut à faire appel à l’architecte Clément.
C’est donc de cette époque que date la voûte en lambris à caissons avec nervures et pendentifs en bois sculpté qui fut refaite à l’identique. De ton bleuté, elle évoque la voie lactée.
Il en est de même des deux autels actuellement appliqués de chaque côté de la nef, dédiés l’un à la Vierge, l’autre à Saint-Joseph. Les statues qui ornaient les anciens autels ont été conservées et replacées : Saint-Blaise sur un socle dans le sanctuaire, la Vierge en bois doré dans une niche faite dans la pierre du mur de droite de la nef.
En 1884 encore, le conseil de fabrique décida d’acheter une chaire et de remplacer le maître-autel ; le nouveau fut, conformément à la commande en marbre blanc d’Italie, de style roman avec retable à créer et exposition à flèches, à trois gradins inégaux et cinq arcatures à plein cintre, c’est lui que nous apercevons.
Mais le chantier le plus important résulte d’un nouveau rapport de l’architecte Clément en vue du changement de cloches, fêlées. Il constata que le clocher était en très mauvais état et qu’il était impossible d’effectuer ce changement de cloches. Il fallait reprendre toute la façade d’entrée et bâtir un nouveau clocher. L’œuvre était d’importance, la reconstruction se fit dans le goût de l’époque et il fallut certainement aux anciens du temps pour s’habituer à ce clocher du nouveau siècle.
L’éclairage de l’église était assuré grâce à 7 croisées qui avaient été dotées de vitraux en 1828. Comme on s’inquiétait pour la solidité d’ensemble de l’édifice, on décida de la conforter en murant six de ces percées. Le temps passait et l’église demeurait dans la pénombre. En 2010, Madame Aninem, architecte des bâtiment de France, fut sollicitée et rendit un avis favorable à la réouverture. La réalisation de nouveaux vitraux fut confiée à L.G. Martin, maître-verrier à Nontron. Ce fut l’occasion de dédier l’un d’eux, situé dans le chœur, au patron de l’église, Saint-Pierre-es-Lien, et de rappeler dans un cartouche les armes des Arlot. La réalisation fut menée à bien grâce au concours de la Fondation du Patrimoine et à celui de l’État (DGE). Pour achever le programme, la croisée restant à rouvrir fut restaurée. Grâce à cette action déterminante, l’église a recouvré la clarté tant espérée et les paroissiens, comme les visiteurs, peuvent maintenant profiter pleinement de la restauration intérieure qui fut menée en 2000.
Soulignons que l’église conserve deux meubles rares ; Le premier est une grande vasque baptismale romane, datée du XIIIe siècle. Le second est une pierre tumulaire très ancienne et rare, on n’en compte qu’une vingtaine en Limousin. Sa datation peut être située entre le XVe et le XVIIe siècle[1]. Disposée sur un socle à droite de l’entrée de l’église, elle est la moitié inférieure de la dalle funéraire d’un pèlerin de Compostelle décédé en chemin. A l’examen des sculptures, on distingue trois éléments : à droite, une besace (panetière) avec une très grande anse dont le haut est coupé par la dalle. Sur ce sac, trois rangées de coquilles Saint-Jacques sont représentées. Le fond de la besace est décoré d’une frange ou d’une rangée de pendeloques. Au milieu, on distingue un bâton terminé par une fleur de lys. Il s’agit de la hampe d’une croix (dont on ne voit pas les traverses car elles étaient sur la partie manquante de la dalle). La fleur de lys fait ici référence à la Vierge. A gauche, le dernier bâton est un bâton de pèlerinage (bourdon). L’extrémité plus fine représente le pic en métal que l’on plantait dans la terre en marchant.
Citons encore la statue du Sacré-Cœur qui date de 1885, comme la belle table de communion en fer forgé, dont les deux parties ont été alignées le long des murs.
L’action pour la sauvegarde et la restauration du patrimoine trouve à s’exercer dans nos campagnes principalement en faveur de nos petites églises et un réel effort a été fait en ce sens par les municipalités. Il est plus rare qu’elles s’intéressent à d’autres objets du domaine religieux, tels les croix qui autrefois étaient nombreuses à l’intersection des routes ou chemins du Périgord. C’est cette nouvelle initiative de la commune que nous saluerons particulièrement ici.
[1] Interprétation de Manon Durier en 2012, auteur d’une thèse intitulée Représenter pour émouvoir. Symboliques et usages des monuments funéraires dans l’ancien diocèse de Limoges (XIe – XIIIe siècle).